
Act now, Save tomorrow
Par un heureux hasard, on a rencontré lors de leur passage à Porto les 3 étudiants français de “Act now, save tomorrow”. C’est en 4ème année d’études à Grenoble INP qu’ils ont eu un déclic et ont choisi de partager leurs connaissances des enjeux climatiques pour sensibiliser les jeunes générations, en allant à leur rencontre dans les lycées français à l’étranger. Ce partage ne pouvant se faire qu’en cohérence avec leurs valeurs, c’est à vélo (parfois en train) qu’ils ont choisi de faire le tour de la péninsule ibérique pour respecter un mode de vie bas carbone.

Porto était leur avant-dernière étape, après Lisbonne et avant Bilbao, et c’est après une semaine intense passée auprès des élèves du Lycée Français International de Porto que Théo, Stevan et Antoine nous ont rejoint pour cette interview.
Vous avez choisi de faire une pause dans vos études pour réaliser ce beau projet, et ainsi casser votre routine d’élèves en école d’ingénieurs. Que vous a apporté cette parenthèse, cette pause un peu ”Slowlife” dans votre vie ?
Elle a changé totalement notre état d’esprit et même remis en question nos projets de vie. Nous envisagions notre avenir professionnel en France mais pourquoi pas ailleurs, cette expérience nous a montré de nouveaux horizons. Et finalement cette traversée à vélo est un mode de vie qui nous plaît, dans le sens où nous prenons le temps de faire les choses et de profiter des moments présents. Les déplacements à vélo permettent de profiter des paysages, de rencontrer les gens et cela rend le voyage encore plus enrichissant.
Alors, justement, quelles sont vos observations sur votre parcours ?
Tout d’abord le parcours français. Il a duré 8 jours en partant de Montélimar. Nous avons emprunté la via Rhona jusqu’à Sète avec des pistes cyclables très bien aménagées. Ensuite, nous avons suivi le canal du midi avec une météo plutôt favorable pour un mois de mars et un sentiment de solitude un peu étrange liée à cette période particulière de pandémie. Petit test PCR en poche et nous avons passé la frontière espagnole.
En Espagne, tout n’est pas forcément aussi bien aménagé pour le vélo. La Costa Brava est magnifique et le fait de traverser le pays permet de se rendre compte que le paysage reflète les différences de niveau social entre la Catalogne qui apparaît comme riche, tandis que vers Almeria, nous avons vu énormément de champs de serre, entourés de déchets, avec des villages pauvres et des modes de vie auxquels nous ne nous attendions pas. Nous avons aussi vu beaucoup de champs agricoles mais sur des terres très arides ce qui nous a questionnés sur l’alimentation en eau. L’urbanisation intense de la côte espagnole nous a frappés. Mais nous avons aussi apprécié les champs d’orangers dépaysants! Avec l’Andalousie, changement complet de paysage malgré une météo un peu froide pour la saison. Cette région est très désertique, très montagneuse mais très jolie. Il y a aussi beaucoup d’agriculture alors que la région est très aride. Mais les villes sont magnifiques !
Au Portugal, l’Algarve est plus sauvage, excepté les grandes villes et nous avons appris que le coût d’acheminement de l’eau était un coût trop important et c’est ce qui empêchait les constructions. Une belle rencontre avec un couple français installé là-bas nous a permis un moment d’échange particulier pour mieux comprendre le pays. Certains territoires résistent encore à l’homme et nous avons aussi aperçu des éoliennes !
Pourquoi avoir choisi d’aller dans les lycées français de l’étranger et que racontez-vous aux élèves ?
Nous n’avons été sensibilisés aux enjeux climatiques qu’au moment de notre entrée en école d’ingénieurs, spécialisée sur l’ingénierie de l’eau, de l’énergie et de l’environnement et cela nous a semblés dommage de ne pas l’avoir été avant. C’est pourquoi nous avons voulu toucher les plus jeunes pour leur partager nos connaissances, car plus tôt on est informés, plus tôt on adopte les bons réflexes. Nous sommes bénévoles de l’association “Talents for Futur” qui souhaite former les futurs talents aux enjeux climatiques dans les écoles françaises et internationales. Cette association a choisi le réseau des lycées français à l’étranger pour diffuser ces formations et pour toucher un public privilégié qui est plus réceptif et facile à sensibiliser. Avec les profils des enfants qui sont dans les lycées français à l’étranger, nous espérons que ces futurs adultes relaieront notre message tout au long de leur vie.
En Espagne, nous avons choisi les lycées qui étaient sur notre parcours, Malaga et Bilbao, et au Portugal, nous sommes allés à Lisbonne et Porto. Notre formation est en 3 modules :
- Constat : L’énergie qu’est-ce que c’est ? Cette 1ere question provoque déjà de nombreuses réactions car sa définition n’est pas si évidente. Comment utilise-t-on cette énergie et quelle est notre dépendance à l’énergie fossile… Nous leur parlons de nos réserves en appuyant sur le fait qu’il ne faut surtout pas les épuiser pour ne pas dérégler le climat.
- La fresque du climat : elle permet de parler des causes et conséquences du changement climatique. Sous forme de jeu, on matérialise les effets des activités humaines qui consomment de l’énergie fossile qui émettent du CO2 qui s’ajoutent à l’effet de serre et qui viennent augmenter la chaleur de la terre. Et puis on ajoute les effets liés aux activités humaines et cela permet de visualiser très rapidement les impacts.
- Les solutions : il n’existe pas de solution miracle mais chacun peut agir à son niveau. Nous présentons aux élèves les plus hautes instances politiques telles que la COP ou le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), les institutions telles que l’ADEME en France qui oriente la recherche dans le domaine de l’écologie, puis le rôle des entreprises pour terminer sur les actions individuelles. Concernant les entreprises nous insistons bien sur le fait que chaque entreprise est concernée, tous les domaines se transforment et, quelque soit le métier que les élèves choisiront plus tard, ils pourront agir à leur niveau et s’investir dans l’écologie. Pour les actions individuelles, on échange sur le transport, l’alimentation, le numérique et streaming. On leur apprend aussi à se forger une culture pour rester en éveil, tel que le média ”Brut” ou ”Bon pote”. On leur recommande aussi de suivre 2 experts, Jean-Marc Jancovici et Gael Giraud pour écouter leurs conférences car ils sont très pédagogues. Enfin, nous leur conseillons de garder un esprit critique sur le Green washing que font les marques et en étant attentifs à des solutions qui peuvent ne pas être pérennes. On leur transmet aussi le lien pour calculer leur empreinte carbone. Un Français émet, en moyenne 11,9 tonnes d’équivalent CO2 par an, et pour notre projet, notre calcul nous a révélés 4 tonnes, alors que nous sommes sensibilisés et avertis, mais notre objectif est de le réduire de moitié malgré tout pour éviter le réchauffement climatique.
Dans chaque collège, l’accueil au niveau des élèves a été très bon et interactif avec un niveau d’échange très intéressant. Les élèves des lycées français sont plutôt intéressés, ils savent que nous parlons de leur avenir, et ce sujet suscite beaucoup de questions. Les enfants ont souvent le même sentiment de frustration que nous quand nous avons découvert ce sujet : “Mais pourquoi est-ce que personne ne fait rien ? On attend quoi ?” Il y a une telle méconnaissance du sujet et c’est cela qui a motivé notre projet.
Pour terminer, qu’est-ce que ce projet vous a apporté personnellement, sur le plan humain et sur votre amitié ?
Nous avions fait 1 an de colocation avant le projet, donc nous nous connaissions déjà bien. Ce projet nécessite un grand effort physique, l’un de nous n’était pas trop sportif encore moins cycliste la première semaine pour lui a été rude :-)) et au niveau mental aussi en étant 24h sur 24 ensemble…Nous en garderons un excellent souvenir et surtout les rencontres que nous avons faites. Nous avons eu beaucoup de pincements au cœur en quittant les lycées. Cela restera une expérience inoubliable pour nous 3.

